Français
René Llech-Walter
La sardane
Vous demandez, Pépratx, de rimer quelque chose,
Pour chanter la sardane auguste des aïeux.
Le temps s’enfuit rapide … et cependant, je n’ose …
Ne jugera-t-on pas mes vers prétentieux ?
Je vous l’ai déjà dit : nous avons des poètes,
Joseph-Sébastien Pons et Guiter et Grando …
Qui, d’une plume alerte, en des rimes parfaites,
Cisèleront pour vous leurs couplets les plus beaux.
Je me contenterai, pour ma part très modeste,
De souligner ici, du plus profond du cœur,
Le rôle bienfaisant de la sardane agreste,
Qui, sans riche décor, sans sourire trompeur,
Déroule sa guirlande et donne à toute fête
Rythme joyeux, musique, harmonie et splendeur.
Mais, pour moi, la sardane est peut-être autre chose,
Et je l’ai déjà dit et proclamé bien haut.
C’est, la main dans la main, dans une apothéose,
La ronde de l’amour, celle des temps nouveaux.
Les peuples, comprenant enfin que toute guerre
Ne peut causer que pleurs, sang, misère et douleurs,
Ensemble danseront cette sardane altière,
Qui, dans un cercle ami, rapprochera le cœurs.
Ampourdan et Roussillon
En Roussillon aussi, ma brune,
le grenadier s’épanouit.
Sur ton front noue cette tresse
et viens avec moi.
Je t’appellerai des sommets d’Albère,
humides de rosée.
Tu le sais, pour L’amour il n’est pas de frontière,
viens avec moi!
Une sardane au port de Rosas
formait sa couronne. Ah! le ciel clair!
quand frissonnaient comme les roses
le barques peintes de la mer.
Une danse si douce, l’amour de la mène,
comme les étoiles, la nuit sereine.
Viens vite, ma brune,
nous apprendre la danse de l’Ampourdan.
Donne-moi la main.
Viens avec le petit âne, avec la tartane,
au temps de la fraise, au temps du raisin.
Viens, tout est en fête dans notre plaine.
Respire sur la montagne le romarin.
Lace jusqu’au genou ton espadrille
Et ajuste, rieuse, jupe et jupon.
Allons, laisse le miroir qui te montre assez
ton visage poli et ses fossettes.
Tandis que j’étais assis sur le rocher,
les petits chiens m’ont amené le lièvre.
Et quel est ton nom, jolie coquette ?
lui dis-je dès que je la vois.
– Dans l’Ampourdan, on m’appelle Graciette.
– En Rousillon, on m’appelle Gaudérique.
Ah! le joli nom
Tous ceux qui la voient s’enamourent d’elle.
La « prime » rit, la « tenora » pleure.
Le flageolet chante : la pluie au soleil.
Leste, elle est faite au tour comme une cruche.
Elle a le pied menu comme la gueule-de-loup,
la taille bien prise. Qui ne la remarque ?
Ah! venez voir comme elle danse!
La petite place rit. C’est un soir de fête,
un soir de genêts sur le Neulos.
La vieille, sur le banc de pierre, penche le front
Et le vase de fleurs éclate au balcon.
Le vase de fleurs!
Et si la douce Albère te plaît,
viens rejoindre ton Gaudérique.
Puisque l’amour n’a pas de frontière,
Viens avec moi!
Edmond Brazes
La danse de la Fontaine
Chantons, chantons la poésie
que notre fontaine éparpille.
La mélancolie de chaque jet
se propage dans le village.
Venez surprendre le sortilège
qui fait revivre le vieux temps :
accord de pureté d’arpège
et de prodige de ciseau
Résonne le cristal de la lyre :
chaque corde un jet transparent;
une chanson d’amour soupire
dans le mystère du moment.
Le bonheur anime la sardane,
chaîne de joie sans fin.
La vasque, fleur tardive,
élève son cœur vers le ciel.
Frémit l’aile des souvenirs
autour du nid de pierre
pendant qu’on entend murmurer
la voix pure des naïades.
Dansons avec l’enchanteresse
qui abandonne le haut-plateau
pour inviter à la danse
bûcheron et muletier.
F.C.
Sardane de chemins
Sautant rochers et ruisseaux
d’un village à l’autre vont,
serpentant gaiement
les chemins et les sentiers.
Ils se promènent dans les champs de blé
ou escaladent des cols
ceignant plaines et côteaux
de leurs rubans soyeux
Les uns se traînent dans la poussière
au milieu de la folle avoine ;
les autres glissent sur la mousse
d’une gorge profonde.
Ils sont comme les bras des villages
qui s’allongent à travers la campagne,
se joignant à d’autres villages
plus au-delà.
Et ainsi se lie une sardane
qui va tournant autour du monde
sous le soleil qui l’anime,
répartissant le fil des points.
Le même pas chaque jour,
maintenant et demain comme avant,
au rythme long de la vie
suit toujours son balancement.
O sardane des chemins
qui mènent les villages réunis,
pourquoi doivent-ils te détruire
des gens mauvais qui ne te comprennent pas !
Charles Bauby
La Sardane
La placette s’étale à l’ombre des platanes ;
Sur l’estrade, juchés, les jotglars ont un air
— Parmi le vert feuillage et les souples lianes
Des guirlandes — très digne et comiquement fier.
Aigu, un cri, puis un son grave.
La prime répond au tanor,
Parfois, la contrebasse, esclave
Du chant, accompagne l’essor ;
Et le flabiol grêle brave
Le fiscorn doux ensemble et fort.
Et la musique catalane
Déroule ses motifs divers
Dans le thème d’une sardane
Qui s’élance en beaux accents clairs.
Les mains s’unissent, en silence,
Pour un pieux enchaînement,
Et la ronde suit la cadence
Mobile, avec les changements
Du rythme, dans ses alternances,
En harmonieux mouvements.
C’est une guirlande qui tremble,
Que soulève ou rabat le vent.
C’est, par un eurythmique ensemble,
La vague et la flamme ondoyant.
Une haute prière, il semble,
S’élève du cercle mouvant.
N’est-ce pas retrouvée à travers les années
Avec la gravité noble d’un peuple fier
La ronde rituelle en les Panathénées,
Cette sardane s’éployant devant la mer ?
Henry Pépratx-Saisset: La sardane. Perpignan, 1956, p. 145.
J. G.
GENTILLE SARDANISTE…
Gentille sardaniste, galante donzelle qui ris avec douceur quand tu donnes la main sachant qu’à toi s’unit par dessus la ronde la belle espérance d’un cœur catalan.
La place s’emplit de cris et de rires, éclats de joie lancés au vent. Moi, je te fais princesse de ces romances que dit la tenora si douce et charmante.
Gentille sardaniste, gentille et galante, si tu savais ce que j’éprouve en étreignant ta main quand tu viens à l’anneau de chaque sardane, les joues brûlantes et les yeux baissés…
Mon cœur tremble, comblé d’allégresse, et je sens mon être battre d’émotion, tellement que je dirais devant cette sardane : « Voilà la coble qui chante ma chanson !
Coœt««M d« MAULEON-NARBONNE
SUR LA SARDANE DES FEUILLES SECHES
Au fond des bois, la Tramontan» A plaqué les premiers accords De son éternelle sardane : La Sardane des feuilles d’or !
Aux sons de ses premiers accords, Garçons et filles de la Plaine, Feuilles sèches et feuilles d’or, Dansent, dansent, à perdre haleine.
La vieille chanson catalane .’
— Depuis le berceau nous l’aimons —
C’est cette éternelle sardane
Qui nous vient du plus haut des monts !
La Sardane des feuilles d’or, Qu’à l’automne, l’on voit en bande, Danser toujours, danser encor, Cette infernale sarabande.
jean CAMP
SARDANES
Sur le foirail où pleut tout l’or Du soleil perçant les platanes, Dans les stridences du tanor J’écoute chanter vos sardanes.
La prime reprend la chanson : On dirait qu’elle goguenarde Et rit du pic bleu qui regarde, Penché sur le proche horizon.
L’essaim des espadrilles blanches Sous l’éclat plus vif des rubans, Les danseurs aux yeux de forbans, Les danseuses aux fortes hanches,
L’air léger et le souffle chaud Des couples qu’entraîné la ronde, L’odeur, dans la poussière blonde, De cuir fauve et de rancio.
La caresse rugueuse et tendre
D’une langue aux sons de métal
— Douceur d’un cceur large et brutal —
Je voudrais encor vous entendre,
Me pénétrer encor de vous, Vous voir couler dans ma poitrine, Comme d’un porrou d’Angoustrine Coule le vin épais et doux,
Quand, sous l’arc feuillu des platanes, Aux chants nasillards du flaviol Catalans, vos rouges sardanes Dans l’air doré prennent leur vol.
L’APLEC »
C’est aujourd’hui la fête à l’ermitage
où vont endimanchés, en pèlerinage,
pansons et laboureurs, bergers et chevaliers.
Et tous expriment un vœu à Saint Martin,
un vœu qu’il exaucera de bonne grâce :
de bonnes récoltes aux champs, des enfants pour leurs femmes.
Les filles et les garçons ne prient guère,
tentés qu’il sont par l’aigre cornemuse
qui s’enfle à l’ombre d’un pin et emplit l’air de mélodies.
Le fktbiol strident sifflote,
et, devant la fleur de jeunes filles qui défile,
va, marquant la cadence, le son du tamboarim.
Enchâssant les garçons avec les filles,
les couples gracieux avec les couples,
fleurs que famour assemble pour s’en faire un collier ;
quand la vivante ronde est formée,
suave, majestueuse, compassée,
au son de la musique elfe commence à tourner.
Le flabiol qui pleure et qui sanglote,
bientôt monte à sa note la plus haute ;
Comme une ruche au lever du jour, la danse s’anime,
les sons se hâtent sur leur gamme,
les pieds des sardanistes prennent des ailes,
et, au soleil de l’allégresse, toute âme s’épanouit,
Ainsi les heures, dans leurs belles danses
suivent le rythme des étoiles
qui, en ronde éternelle, contournent la polaire.
Mais le coq chante : elles dansent plus joueuses,
et, soulevant les noirs rideaux d’ombre,
avec des chants d’aurore elles aident la terre à s’éveiller.
Lorsque, comme un collier de perles qui s’égrène,
la sardane dénoue sa chaîne,
Griselde en sort oomz, ro»e de e» bouquet.
hbnhy NOELL
EN VOYANT DANSER LA SARDANE
Noble danse à la fois solennelle et joyeuse, Sardane qu’engendra le culte du soleil, Aux fiers accents de ta musique impérieuse Tout Catalan de sa ferveur sent le réveil.
Ta ronde accueille avec la même bonne grâce, Qu’il soit seigneur ou gueux, chaque nouveau danseur, Et lorsqu’un arrivant dans ta chaîne s’enchâsse Ton cercle s’agrandit comme une immense fleur.
D’abord, avec des pas savants, les espadrilles Dessinent sur le sol leur canevas serré, Et, les beaux yeux restant ‘baissés sous les mantilles, II semble qu’on célèbre un office sacré.
Mais lorsqu’un brusque changement de la musique, Galvanisant les reins et les jarrets nerveux, Soulève les danseurs en des bonds élastiques, Notre cœur bat plus vite et bondit avec eux ! ^^
henri GUITER
RONDEL DE LA SARDANE
Joignant la beauté grecque à la force catalane, la ronde légère a rassemble les frères; le cœur et l’amitié ont uni leurs mains pour danser une fière sardane.
Qu’ils soient venus de la montagne ou de la plaine, ils relient maintenant les hiers aux demains; joignant la beauté grecque à la force catalane, la ronde légère a rassemblé les frères.
Prenant son envol, la ronde souveraine saute et bondit, sans connaître le repos; espace et temps disparaissent, devenus vains, à ton rythme, o danse ampourda-naise, qui joins la beauté grecque à la force catalane.
LA SARDANE
La sardane est bien la plus belle
de toutes les danses qui se nouent et qui se dénouent,
C’est l’anneau magnifique et vivant
qui, lentement, oscille avec calme et mesure.
Vacillante, la sardane se penche de gauche à droite
et revient à nouveau, incertaine comme
l’aiguille d’une boussole qui, encore hésitante, voudrait s’orienter.
Elle tient enfin son pôle : elle s’y fixe
pour s’en arracher dès le « contrepoint » et virevolter à nouveau.
Hardiment les garçons, comme d’ardents guerriers,
scandent et pointent le rythme.
Les filles aussi — moins vivement.
Tous, dévots d’une sainte harmonie,
comptent pas et mesures.
On les croirait prêtres d’un culte,
officiants d’une danse mystique,
emportés par le symbole occulte de l’ample ronde
fraternelle qui les unit. Le « contrepoint » brise-t-il le rythme ? : voici la ronde suspendue, émerveillée. Le rythme reprenant, il l’emporte à nouveau dans la plus belle danse.
Qui donc centra si parfaitement cette roue autour de son moyeu ?
Quelle main dure et vengeresse vida la prunelle de cet œil géant ?
Ne fut-il pas un temps où, au beau milieu,
s’empilaient encerclées les gerbes poussiéreuses de blé roussissant
et où les moissonneurs, ruisselants de sueur,
fêtaient ainsi la prodigue Cérès par leurs sauts et leur danse… ?
La ritournelle vagabonde du « flabiol » c’est le
sillage zigzaguant d’un vol d’arondes
criant, au passage, que la sardane
est la plus belle de toutes les danses du monde.
Ce n’est point la danse lascive et sans noblesse
où évoluent des couples disparates :
c’est la danse sincère d’un peuple
qui aime et avance en se donnant les mains.
Quand se délie l’évanescente et suave guirlande
chaque main amie quitte à regret la main amie.
Elles semblent se promettre un prompt retour.
Mais oui ! de deux en deux toutes ces mains y reviendront !
Toute ma patrie tiendra dans cet anneau,
et les peuples diront :
« La sardane est bien la plus belle
de toutes les danses qui se font et qui se défont ».
L. V.
HYMNE A LA SARDANE
Ecoutez aujourd’hui la Sardane Qui chante au cœur des catalans Aux fils de cette terre fière Amis, réunissez vos mains.
De cette heure en vertu plus riche Un souffle d’amour fraternel Monte du cercle amplifiant Le chant plus fort de mon amour.
C’est pour moi la plus belle danse Car elle sait unir les cœurs Qui par les grands chemins de l’espérance Sont tous partis joyeusement.
Ecoutez dans la nuit sereine La voix du chant plein de lumière Lu place où fleurit l’allégresse Emplit mon esprit de son parfum.
La chanson belle, grande et forte Dans la nuit poursuit son chemin Et la brise marine apporte Son baiser descendu du ciel.
Voyez, par le bois et la plaine
Un souffle passe plus pur et puissant
Jusqu’aux étoiles notre sardane
René Llech-Walter
La sardane
Vous demandez, Pépratx, de rimer quelque chose,
Pour chanter la sardane auguste des aïeux.
Le temps s’enfuit rapide … et cependant, je n’ose …
Ne jugera-t-on pas mes vers prétentieux ?
Je vous l’ai déjà dit : nous avons des poètes,
Joseph-Sébastien Pons et Guiter et Grando …
Qui, d’une plume alerte, en des rimes parfaites,
Cisèleront pour vous leurs couplets les plus beaux.
Je me contenterai, pour ma part très modeste,
De souligner ici, du plus profond du cœur,
Le rôle bienfaisant de la sardane agreste,
Qui, sans riche décor, sans sourire trompeur,
Déroule sa guirlande et donne à toute fête
Rythme joyeux, musique, harmonie et splendeur.
Mais, pour moi, la sardane est peut-être autre chose,
Et je l’ai déjà dit et proclamé bien haut.
C’est, la main dans la main, dans une apothéose,
La ronde de l’amour, celle des temps nouveaux.
Les peuples, comprenant enfin que toute guerre
Ne peut causer que pleurs, sang, misère et douleurs,
Ensemble danseront cette sardane altière,
Qui, dans un cercle ami, rapprochera le cœurs.